Face au fantasme écolo-médiatique de l’hydrogène, un article pertinent de Maxence Cordiez en réponse à l’annonce de la mise au point d’une turbine fonctionnant à 100% d’hydrogène.
André Lacroix
Le fait qu’une turbine ait pu être alimentée à 100% par de l’hydrogène est une bonne nouvelle sur le plan technique mais ça ne suffit pas à conclure (ce qui est dit dans l’article) que l’hydrogène peut servir de « moyen flexible de stockage de l’électricité ». En effet, le problème avec l’idée de stocker de l’électricité via de l’hydrogène n’est pas seulement technique, il est aussi physique et, par extension, technico-économique.
Tout d’abord, l’hydrogène qui sera produit en période de surplus de production d’électricité (plutôt que d’écrêter la production d’électricité bas carbone) sera plus utile pour décarboner les usages actuels de l’hydrogène, ainsi que – dans un second temps – certaines applications industrielles non décarbonables autrement (voire un peu de transport lourd via des carburants de synthèse dérivés de l’hydrogène), que pour le retransformer en électricité à injecter sur le réseau. Or le volume d’hydrogène bas carbone disponible restera durablement fortement limité par la quantité d’électricité bas carbone qu’on pourra consacrer à sa production.
Commencer à dilapider l’hydrogène dans des applications où l’on peut faire autrement sera contreproductif sur le plan de la décarbonation. Or il y a d’autres moyens bien plus efficaces de flexibiliser le système électrique que de passer par l’intermédiaire de l’hydrogène (rendement de 30% au mieux sur la chaîne électricité -> hydrogène -> électricité, plus les coûts de stockage – dont la faisabilité technique reste d’ailleurs à démontrer – et d’infrastructures). On peut notamment citer (en vrac) la flexibilisation de la demande (en rénovant le système HP/HC notamment), la conversion de barrages gravitaires en STEP, le développement des services réseau rendus par les véhicules électriques, etc.
L’hydrogène pourra contribuer à la flexibilisation du système électrique, mais surtout en soutirage. C’est-à-dire qu’il sera pertinent de réduire la puissance des électrolyseurs et de faire les travaux de maintenance quand le système électrique est le plus tendu (en hiver) pour maximiser la production quand il ne l’est pas. Il est par contre peu probable et peu pertinent à la fois sur le plan économique et de la décarbonation que de l’hydrogène serve autrement que de façon marginale à produire de l’électricité.