La « semi-fermeture » du cycle… !

Ancien haut commissaire à l’énergie atomique et membre de l’académie des sciences, Yves Bréchet nous livre ce billet d’humeur à l’attention d’Antoine Peillon, responsable du « Plan national Intégré Énergie Climat » ce dernier justifiant l’abandon de la filière neutron rapide.
Article du 22 décembre 2023 de la revue « Progressistes »

Alors que la ministre Agnès Panier Runacher et ses équipes s’efforcent du mieux qu’ils peuvent de relancer le nucléaire et de mettre fin au niveau européen à 20 ans de « nucléaire bashing » , la créativité des jésuites en costard dans les équipes en charge de la transition énergétique sous la férule de Antoine Peillon, forcent l’admiration…par leur obstination a voir dans le nucléaire une énergie de transition. Et à agir en conséquence.

Le projet « Plan national Intégré Énergie Climat » pondu en octobre 2023 par les services de Antoine Peillon contient, cachées dans une prose particulièrement plâtreuse (218 pages dont le responsable s’auto-félicite sans barguiner), quelques perles particulièrement savoureuses. Parmi elles, les responsables du sabordage de la filière de surrégénérateurs à neutrons rapides ont réussi à inventer, page 203, un nouveau concept de physique nucléaire : la « semi-fermeture du cycle » :

« Validation de l’orientation pérenne de semi-fermeture du cycle du combustible et, dans cette perspective, poursuite des travaux d’ici fin 2026 au plus tard en vue d’une prise de décision, notamment sur la stratégie post 2040, en veillant à prendre les mesures permettant d’assurer l’adéquation aux besoins des infrastructures existantes d’ici 2035 »

 McKinsey est passé par là…je suppose. Car on chercherait en vain une définition précise de la « semi-fermeture » … s’agit-il de la stratégie de multi-recyclage en réacteur à eau pressurisée, stratégie qui ne résout ni le problème de la ressource, ni le problème des déchets, qui augmente de à peine  1% la consommation d’Uranium, qui aggrave la gestion du combustible en fin de deuxième cycle, rend l’opération des réacteurs plus difficile, et in fine transforme en actinides parti du plutonium qui est en fait, dans les réacteurs à neutrons rapides, une ressource ! Et cela fait quand même cinquante ans qu’on le sait (c’est vrai, c’était dans l’ancien monde…). Et les rapports qui le prouvent ont été transmis entre 2012 et 2018 à ceux-là mêmes qui font aujourd’hui semblant de l’ignorer.

Il n’est pas imaginable que ce soit cela. Alors il faut bien que ce soit une découverte majeure…Ce concept génial de « semi-fermeture du cycle » signifie sans doute que des neutrons « semi verts » sont « semi-absorbés » par le plutonium pour produire des « semi-actinides ». On sait depuis longtemps que la seule certitude de ces gens est que le chef a toujours raison et que s’il a décidé du haut de l’olympe de jeter par-dessus bord 50 ans de recherche payée par le contribuable, il est impossible que cela soit par ignorance. C’est qu’il savait bien, lui, que la « semi-fermeture du cycle » était la solution.

On dit qu’un courtisan avait répondu à Louis XV qui lui demandait l’heure, « il est l’heure qui plaira à votre majesté ». On en est là. Mais il est plus que temps de rappeler aux florentins qui prétendent nous gouverner en jouant sur les mots faute de pouvoir accepter les faits, qu’une demi-vérité est un mensonge complet.

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