Chers amis de SPIX,
Je vous joins un très intéressant article de M. Brice Lalonde paru dans Les Echos du lundi 15 mai. Monsieur Lalonde fut, entre autres fonctions, secrétaire d’Etat et Ministre de l’Environnement dans les gouvernements de Michel Rocard puis d’Edith Cresson.
Dans cet article qu’il consacre à la gestion des déchets nucléaires, j’ai particulièrement retenu le passage suivant :
« …le plutonium est un combustible ou un déchet. Les autorité nucléaire lui voyait un avenir dans les surgénérateurs… Mais ce programme a été arrêté, il faut [donc] trancher : amasser ou éliminer le plutonium. S’il reste dans les combustibles usés, il sera le principal déchet à haute activité et à vie longue…. [et] Il faudra bien résorber le stock, certainement pas en le recyclant dans les EPR mais en le transmutant… Il est prudent d’accélérer la mise au point et le déploiement à l’échelle européenne de réacteurs transmutateurs [obligatoirement à neutrons rapides !] qui permettront la gestion avancée des déchets hautement radioactifs… »
Commentaire
En juillet 1994 le nouveau décret d’autorisation de création de la centrale de Creys Malville (le surgénérateur Superphénix) autorisait sa reconversion en sous générateur, en transmutateur d’actinides. Outre la production d’électricité ce décret prévoyait qu’un programme expérimental de réduction du stock de plutonium, le Programme CAPRA (pour « consommation accrue de plutonium »), y soit réalisé. Ce programme était très logiquement couplé à un autre programme de recherche du CEA, dit de « séparation poussée ». L’objectif de la séparation poussée était de séparer des déchets non valorisables les actinides mineurs (neptunium, américium, et curium) et de les utiliser en tant que combustible dans des réacteurs « transmutateurs » (obligatoirement à neutrons rapides). L’objectif de ces programmes était – tout en produisant de l’énergie – de réduire le stock de plutonium et d’éliminer les actinides à longue durée de vie en ne produisant finalement que des déchets ultimes à vie beaucoup plus courte.
Le nouveau décret autorisant ces recherches à la centrale de Creys Malville a été annulé en février 1997 par le Conseil d’Etat suite à un recours déposé devant le Conseil d’Etat par Madame Corine Lepage. Puis en juin de la même année, sous la pression de la composante Verte de son gouvernement, le Premier ministre, Lionel Jospin dut annoncer l’abandon de la centrale. Suite à cet abandon, les deux programmes de recherche prévus par la loi Bataille de décembre 1991 sur l’aval du cycle du combustible l’un sur la » consommation accrue » de plutonium dans les réacteurs rapides, l’autre sur la « séparation poussée », dès lors devenue inutile, ont été ont abandonnés.
Sans ces abandons, aujourd’hui nous posséderions une expérience de plus d’une vingtaine d’années – absolument unique au monde – sur la gestion des « déchets » issus du cycle des combustibles. Aujourd’hui, dans son article, Monsieur Lalonde souhaite que ces recherches soient reprises.
Pour terminer, une petite anecdote. En 1988 j’ai accueilli M Lalonde à la centrale de Creys-Malville. Symboliquement, il y était venu voir le « monstre » dans le cadre de la campagne qu’il menait en vue des élections européennes. Un journaliste qui souhaitait le photographier avec la centrale en arrière plan, lui demanda, devant son air figé, d’être un peu plus souriant comme il sied à tout candidat à une élection. M. Lalonde lui répondit sèchement « Vous ne croyez tout de même pas que je vais sourire avec une saloperie pareille dans mon dos ! » .
Les temps et les hommes changent, tant mieux si le réalisme succède au dogmatisme. C’est présentement tout à l’honneur de Monsieur Lalonde.
Mais que de temps perdu !
Cordialement
Pierre Schmitt
