Un l’article d’Adélie Clouet d’Orval sur le coût de l’extraction de l’uranium dans l’eau de mer.
Une nouvelle fois, les chinois sont en pointe !
Quid de sa faisabilité industrielle ?
André Lacroix
L’eau de mer contient de gigantesques quantités d’uranium naturel, estimées à une valeur de l’ordre de 4,5 milliards de tonnes d’uranium, c’est-à-dire plus de mille fois l’uranium contenu dans les gisements conventionnels terrestres.
Extraire de l’uranium de l’eau de mer, à moindre coût, c’est la méthode révolutionnaire qu’envisage sérieusement de l’Université de Hunan en Chine.
Des chercheurs chinois ont développé une méthode électrochimique innovante et économique pour extraire l’uranium de l’eau de mer. En utilisant deux électrodes en cuivre, ce dispositif particulièrement efficace concurrence sérieusement les processus classiques d’extraction.
Aujourd’hui leader mondial dans la construction de centrales nucléaires, la Chine se lance dans une conquête de nouvelles sources d’uranium pour sécuriser ses approvisionnements. L’uranium, plus précisément l’isotope uranium-235, est le principal combustible utilisé dans les processus de fission.
D’après New Scientist (magazine scientifique international hebdomadaire qui s’intéresse aux développements de la science et de la technologie), on estime que les océans contiennent 4,5 milliards de tonnes d’uranium. Bien que très diluée, cette quantité est 1.000 fois supérieure à celle disponible dans les carrières terrestres. Cependant, les technologies existantes pour l’extraction de l’uranium en mer restent très coûteuses. C’est pourquoi des chercheurs chinois viennent de développer une méthode particulièrement économe, consistant à piéger les atomes par des champs électriques.
Avec ses collègues de l’Université de Hunan, en Chine, le professeur Shuangyin Wang a mis au point une technique électrochimique moins énergivore et plus économique que toutes les autres. Les méthodes électrochimiques classiques reposent sur l’utilisation d’une électrode positive, pour attirer et piéger les ions d’uranium grâce à un champ électrique. Leur nouveau dispositif quant à lui, contient deux électrodes en cuivre, l’une positive et l’autre négative, capables de capter l’uranium.
« Le système est très innovant et constitue une avancée significative par rapport aux méthodes d’extraction d’uranium existantes », a déclaré Shengqian Ma de l’Université du Nord du Texas, qui n’a pas participé à la nouvelle recherche.
Testée avec de petites quantités d’eau de mer naturelle, la nouvelle méthode a permis d’extraire 100 % de l’uranium de la mer de Chine orientale et 85 % de celui de la mer de Chine méridionale. Dans ce dernier cas, les chercheurs ont également obtenu une extraction de 100 % avec des électrodes plus grandes.
Les expériences ont également montré que l’énergie requise était effectivement plus de 1.000 fois inférieure à celle des autres méthodes électrochimiques. Le procédé complet a coûté environ 83 dollars par kilogramme d’uranium extrait*. C’est deux fois moins cher que les méthodes d’adsorption physique**, qui coûtent environ 205 dollars par kilogramme, et quatre fois moins cher que les méthodes électrochimiques précédentes, qui coûtaient 360 dollars par kilogramme.
L’augmentation de la taille et du volume des nouveaux dispositifs – ainsi que leur empilement ou leur interconnexion – pourrait conduire à « l’industrialisation future de l’extraction de l’uranium de l’eau de mer », ont écrit les chercheurs. Après un essai de 58 heures dans 100 litres d’eau de mer, leur plus grand dispositif expérimental a permis d’extraire plus de 90 % de l’uranium disponible.
L’une des démonstrations les plus réussies d’extraction d’uranium à partir d’eau de mer remonte aux années 1990, lorsque l’Agence japonaise de l’énergie atomique a extrait un kilogramme de cet élément de l’océan par une méthode d’adsorption physique. Ce début a marqué une étape importante qui a inspiré depuis lors les chercheurs universitaires et industriels chinois.
* Le prix actuel de l’uranium est de l’ordre de 80 $ la livre (450 g)
** Méthode électrochimique pour capturer les ions d’uranyles (UO22+) qui sont la forme la plus commune des atomes d’uranium en solution. L’objectif était de faire s’adsorber ces ions sur une anode en fibre de carbone
recouverte d’un film d’un polymère d’amidoxime, un composé déjà utilisé pour extraire les ions uranyles.
recouverte d’un film d’un polymère d’amidoxime, un composé déjà utilisé pour extraire les ions uranyles.