Départ de Bernard Doroszcuk – Président de l’ASN

Ci-après, un article d’Elsa Bembaron dans le FIGARO du 13 novembre concernant le prochain départ de B. Doroszcuk de la Présidence de l’ASN.

On notera, en particulier, un changement d’orientation renversant de la politique nucléaire (du Président  Macron) entre 2018 et 2023 et son commentaire sur le démarrage de l’EPR de Flamanville qui a divergé en septembre de cette année, n’a toujours pas été couplé mais qui a connu pas moins d’une « quarantaine d’événements significatifs pour sa sûreté ». Rien de surprenant, dit-il, « avec la perte d’expérience dans la mise en service d’un nouveau réacteur. Mais le nombre d’erreurs humaines est préoccupant. EDF devra s’expliquer devant le collège de l’Autorité » !

Il soulève aussi de nombreuses questions sur le nouveau nucléaire, comme celle de l’implantation de petits réacteurs (SMR/AMR) sur des sites non nucléaires, l’approvisionnement en combustible des réacteurs de 4e génération (à neutrons rapides).
Bonne lecture. André Lacroix

Bernard Doroszczuk passe la main, après six années à la présidence de l’ASN. Son mandat a été marqué par la relance du nucléaire. EPR, petits réacteurs, gestion des déchets: son successeur ne manquera pas de travail.


Après six années à la tête de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk cède son fauteuil à Pierre-Marie Abadie, ce 13 novembre. Le désormais ex-président de l’ASN saisit l’occasion pour revenir sur « un mandat reversant », selon ses propres termes. Une anecdote l’illustre. En 2018, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, Bernard Doroszczuk se souvient d’avoir été interrogé sur les choix à effectuer afin de mettre à l’arrêt 14 réacteurs nucléaires. 

Cinq ans plus tard, devant la même commission, il était question de la construction de 14 EPR 2 et du prolongement de la durée de vie du parc actuel. Entre ces deux auditions, il y a eu « un changement d’orientation renversant de la politique nucléaire, avec dans les deux cas, une position incontournable de l’ASN dans la prise en compte des enjeux de sûreté », relate-t-il. Relance du nucléaire, fusion entre l’ASN et l’IRSN… les dossiers chauds qui attendent son successeur ne manquent pas. 

Du côté de l’EPR de Flamanville, la fission nucléaire a commencé en septembre. Depuis, le réacteur a atteint environ 10 % de sa puissance nominale et connu pas moins d’une « quarantaine d’événements significatifs pour sa sûreté ». Rien de surprenant « avec la perte d’expérience dans la mise en service d’un nouveau réacteur. Mais le nombre d’erreurs humaines est préoccupant. EDF devra s’expliquer devant le collège de l’Autorité », souligne Bernard Doroszczuk. S’il n’est « pas inquiet pour la sûreté, le nombre d’événements et le facteur humain méritent une réflexion ». D’autant plus qu’EDF est à l’aube du lancement de son nouveau programme nucléaire et qu’il lui faudra tenir les calendriers fixés. 

Vingt ans d’anticipation

Pour éviter « l’effet falaise » en 2050 (un manque éventuel de capacité de production), c’est dès à présent qu’il faut penser le programme avec deux leviers : le prolongement du parc existant et la construction de 6, voire 14, EPR 2. L’ASN rendra son avis sur la construction de la première paire de réacteurs à Penly dès 2026, préfigurant le décret d’autorisation attendu en 2027, avant le premier béton un an plus tard. Paradoxalement, quand nous interrogeons les riverains ils ont le sentiment de ne pas être informés, alors même que l’information est disponible. Il faut sortir des actions entre-soi

Il lui faudra ensuite se prononcer sur les réacteurs de Gravelines et du Bugey. « L’effet de série est bénéfique pour la performance industrielle et pour la sûreté. Nous l’avons vu avec la gestion de la crise de la corrosion sous contrainte chez EDF : la répétition du geste technique permet d’atteindre plus facilement le haut niveau de sûreté », explique-t-il. Mais aux impératifs industriels s’ajoute la nécessité de choix politiques solides. « L’avenir énergétique de la France suppose au moins vingt ans d’anticipation. Pour cela, il faut une vision stable, des choix politiques robustes », souligne Bernard Doroszczuk. 

Dans ce cadre, il appelle à davantage de concertation avec le grand public. « Paradoxalement, quand nous interrogeons les riverains, ils ont le sentiment de ne pas être informés, alors même que l’information est disponible. Il faut sortir des actions entre-soi ». Charge donc à son successeur de trouver de nouveaux relais comme les réseaux sociaux, des acteurs locaux, des « tiers de confiance ». Et ce alors que cette énergie bénéficie globalement d’une adhésion de plus en plus forte de Français.

Gestion des déchets et dérèglement climatique

Le nouveau nucléaire aussi soulève de nombreuses questions, comme celle de l’implantation de petits réacteurs (SMR/AMR) sur des sites non nucléaires, l’approvisionnement en combustible des réacteurs de 4e génération (à neutrons rapides) mais aussi celle de la gestion des déchets. « Il est inconcevable que dans le cadre d’une décision politique nouvelle, on n’arbitre pas sur les solutions de gestion de tous les déchets et y compris les anciens », souligne Bernard Doroszczuk, pointant plus particulièrement ceux des réacteurs de première génération dits UNGG (uranium naturel-graphite gaz, arrêtés entre 1973 et 1994). « Il manque un centre pour accueillir ces déchets », ajoute-t-il. Un sujet que connaît bien son successeur, Pierre-Marie Abadie, pour avoir été directeur général de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) depuis 2014.

Autre dossier mis en avant par Bernard Doroszczuk : l’importance « d’adapter le parc existant au dérèglement climatique », même si « ce n’est pas un élément de la sûreté ». Le défi est d’importance, nécessitant des modifications notamment sur la façon dont l’eau est utilisée. 

La fusion avec l’IRSN «sera opérationnelle au 1er janvier»

L’ASN aussi est en pleine mutation. Au 1er janvier, elle sera remplacée par l’ASNR, née de sa fusion avec l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) qui effectue des recherches et des expertises sur les risques liés à la radioactivité.  Un projet « qui a énormément de sens, même s’il a été engagé dans des conditions particulières, loin d’être optimales, résume Bernard Doroszczuk. La nouvelle autorité sera opérationnelle au 1er  janvier ». Il répond ainsi aux affirmations de Jean-Christophe Niel, le directeur général de l’IRSN, qui estimait la semaine dernière qu’« il n’y avait pas de garantie que l’ASNR puisse fonctionner de manière correcte au 1er  janvier 2025 ». 

Ce désaccord, jusque dans la date, illustre les difficultés rencontrées par cette fusion, qui doit regrouper 2000 personnes, fonctionnaires, contractuels et salariés du secteur privé. Une centaine rejoindront le CEA, qui reprend notamment les prestations commerciales de dosimétrie (mesure de la dose de rayonnements ionisants). Une « organisation transitoire » est mise en place au 1er janvier. 

Pour Bernard Doroszczuk, les principales craintes ne sont pas liées au fonctionnement de la nouvelle entité mais à son budget de fonctionnement. Au dernier pointage, il manquait encore 19 millions d’euros pour boucler un budget de 158,1 millions, dont 6 millions de dépenses supplémentaires liées à la fusion, à la mise en commun des outils. « Il faut aussi tenir compte des dépenses qui correspondent à l’accompagnement du nouveau nucléaire, EPR, SMR, les quatrièmes et les cinquièmes visites décennales pour le parc existant », ajoute-t-il. 

Mais au final, l’ARSN devrait gagner en indépendance : comme l’ASN elle sera une autorité indépendante, alors que l’IRSN est un institut sous la tutelle de l’État. « Nous avons en France une infrastructure de contrôle de très haut niveau. une reconnaissance internationale de son niveau d’expertise, professionnalisme. C’est une force pour le pays. La confiance dans le contrôle de la sûreté fait partie du bien commun », conclut le président sortant.

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